«Le bonheur consiste à s'apercevoir que tout est un grand rêve étrange»
-Jack Kerouac

Paysage en deux couleurs sur fond de ciel - partie II

Saint-Denys Garneau

Un mort demande à boire
Le puits n'a plus tant d'eau qu'on le croirait
Qui portera la réponse au mort
La fontaine dit mon onde n'est pas pour lui

Or voilà toutes ses servantes en branle
Chacune avec un vase à chacune sa source
Pour apaiser la soif du maître
Un mort qui demande à boire.

Celle-ci cueille au fond du jardin nocturne
Le pollen suave qui sourd des fleurs
Dans la chaleur qui s'attarde
à l'enveloppement de la nuit
Elle développe cette chair devant lui

Mais le mort a soif encore et demande à boire


Celle-là cueille par l'argent des prés lunaires
Les corolles que ferma la fraîcheur du soir
Elle en fait un bouquet bien glonflé
Une tendre lourdeur fraîche à la bouche
Et s'empresse au maître pour l'offrir

Mais le mort a soif et demande à boire

Alors la première et troisième s'empresse elle aussi dans les champs
Pendant que surgit au ciel d'orient
La claire menace de l'aurore
Elle ramasse au filet de son tablier d'or
Les gouttes lumineuses de la rosée matinale
En emplit une coupe et l'offre au maître

Mais il a soif encore et demande à boire


Alors le matin paraît dans sa gloire
Et répand comme un vent la lumière sur la vallée
Et le mort pulvérisé
Le mort percé de rayons comme une brume
S'évapore et meurt
Et son souvenir même a quitté la terre.



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Citations

  • «Une montagne, pour moi, est comme un Buddha. Pense à leur patience. Il y a des centaines de milliers d'années qu'elles sont là, parfaitement silencieuses, comme si elles priaient pour tous les êtres vivants, dans le silence, attendant que nous mettions un terme à notre agitation et à nos stupidités.» - Les clochards célestes, Jack Kerouac
  • «Les universités [ne sont] pas autre chose que des écoles de dressage pour les représentants de la classe moyenne, dépourvus de personnalité, comme ceux qui peuplent les rangées de bungalows cossus, alignés, aux abords de la cité universitaire, avec pelouse, télévision et living-room où tout le monde regarde en même temps le même spectacle et pense la même chose, tandis que les Japhy du monde entier rôdent dans le désert pour entendre les voix qui crient dans le désert, connaître l'extase étoilée de la nuit, découvrir le mystérieux secret originel de notre civilisation sans visage, sans beauté et sans scrupules.» - Les clochards célestes, Jack Kerouac